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Partir ou rester

C’est peut-être la question la plus lourde de sens pour des millions de jeunes Africains aujourd’hui.

Immigration africaine : partir ou rester, le choix absurde d’une jeunesse en quête d’avenir


Chaque année, des milliers d’entre eux prennent la route de l’exil, souvent au péril de leur vie. D’autres continuent de se battre sur place, espérant qu’un jour, leurs efforts finiront par payer. Et entre ces deux réalités, il y a le même rêve : celui de vivre dignement.

Mais comment parler d’immigration sans tomber dans les clichés ?
Sans pointer du doigt, ni glorifier personne ?
Car l’immigration africaine, ce n’est pas juste une “fuite” ou un “phénomène social” : c’est le miroir d’un continent qui ne tient plus ses promesses.

Un continent jeune… mais sans perspective

L’Afrique est le continent le plus jeune du monde : plus de 60 % de sa population a moins de 25 ans. C’est une force inouïe, une énergie brute.
Mais dans beaucoup de pays, cette jeunesse n’a ni emploi stable, ni véritable horizon.

Les chiffres officiels parlent souvent de 10 à 12 % de chômage. Mais ces statistiques cachent une autre réalité : le sous-emploi, la débrouille, le travail informel qui nourrit sans élever.
Derrière ces données, il y a des millions de diplômés qui enchaînent les stages non payés, les concours truqués, les emplois précaires.
Tu as beau faire “tout ce qu’il faut” étudier, être patient, respecter les règles tu découvres vite que le système ne récompense pas la compétence, mais les relations.

C’est ça, le vrai désespoir : sentir que ton pays ne te laisse pas de place, même quand tu fais les bons choix.

Pourquoi on part vraiment

Personne ne quitte son pays par plaisir.
On part quand l’avenir s’estompe.
Quand on regarde autour de soi et qu’on ne voit plus que des portes closes.

Les raisons de l’exil sont multiples, mais elles ont une racine commune : le manque d’opportunités réelles.

Des économies qui reposent encore sur les matières premières plutôt que sur la créativité.

 

Des infrastructures vieillissantes, une électricité instable, un internet lent.

 

Une éducation souvent déconnectée du monde actuel.

 

Et surtout, des dirigeants qui n’ont pas su, ou pas voulu, bâtir un cadre où la jeunesse peut s’épanouir.

 

À tout cela s’ajoutent les drames humains : l’insécurité, les conflits, le terrorisme, les régimes autoritaires, la corruption endémique.
Face à tout ça, partir devient moins un rêve qu’une stratégie de survie.

Les illusions de “là-bas”

Mais une fois parti, la réalité est souvent plus rude que prévu.

Car “là-bas” n’est pas le paradis.
Derrière les photos Instagram et les stories Snapchat se cache une autre vérité : le déclassement.

Les études montrent que la majorité des immigrés africains hautement diplômés travaillent dans des postes en dessous de leurs compétences.
Parce que leurs diplômes ne sont pas reconnus.
Parce qu’ils n’ont pas “l’expérience locale”.
Parce qu’ils portent un nom, une peau ou un accent qui dérangent.

Résultat : des ingénieurs deviennent livreurs, des enseignants nettoient des bureaux, des infirmières font des ménages.
Le problème n’est pas ces métier ( ils sont dignes,) mais le fait que tout ce qu’ils étaient avant ne compte plus.

Et comme si ça ne suffisait pas, la double pression s’installe :

Celle du pays d’accueil, où il faut être irréprochable pour exister.

 

Celle du pays d’origine, où la famille attend des envois d’argent, des preuves de réussite, des photos qui rassurent.

 

On vit alors dans deux mondes :
celui qu’on montre, lumineux ;
et celui qu’on cache, épuisant.

“Ne venez plus” : la réaction des pays d’accueil

En Europe, en Amérique ou ailleurs, de plus en plus de voix s’élèvent :

“On en a marre, ne venez plus chez nous.”
“On ne peut pas accueillir toute la misère du monde.”

Et tu sais quoi ?
C’est compréhensible.
Quand tu galères toi-même à finir le mois, que ton quartier change vite, que les médias répètent sans cesse que “l’immigration explose”, tu finis par avoir peur.

Mais il faut rétablir la réalité :

  1. Non, tous les Africains ne viennent pas en Europe.
    La majorité reste sur le continent. Ce que l’Occident voit, ce n’est qu’une minorité. 
  2. Ceux qui viennent ne volent pas le travail des autres.
    Ils occupent souvent des postes que les locaux ne veulent plus : ménage, sécurité, restauration, travaux manuels, soins à domicile. Des métiers durs, mal payés, essentiels. 
  3. Et non, ce n’est pas la fin du monde.
    Les sociétés ont toujours été métissées, mouvantes, ouvertes. L’immigration pose des défis, oui, mais elle n’est pas une catastrophe civilisationnelle. 

Les gens ne viennent pas “pour profiter”.
Ils viennent pour vivre, tout simplement.

Pendant qu’on part, d’autres viennent

Ironie du sort : pendant que des Africains risquent tout pour fuir, d’autres viennent s’installer ici.

Chinois, Libanais, Turcs, Français, Indiens, Émiratis…
Ils ouvrent des commerces, construisent des hôtels, montent des usines.
Ils prospèrent là où beaucoup d’Africains voient un désert d’opportunités.

Et pourtant, ils n’ont pas découvert un autre continent.
Ils ont simplement trouvé ce que nous n’arrivons plus à voir : que l’Afrique, malgré ses problèmes, reste une terre de promesses.

Eux arrivent avec du capital, du soutien institutionnel, un État derrière eux.
Nous, on arrive souvent avec des idées… et des obstacles.

Quand l’État devient un frein

Car en Afrique, créer, entreprendre, innover, c’est souvent un parcours du combattant.

Tu veux lancer une entreprise ?
Tu te heurtes à la bureaucratie, à la corruption, à des administrations qui te ralentissent au lieu de t’aider.
Tu veux faire de la recherche ?
Tu découvres des laboratoires sans équipement, des salaires misérables, des projets abandonnés faute de moyens.
Tu veux simplement travailler honnêtement ?
Tu subis des coupures d’électricité, des routes défoncées, une fiscalité imprévisible.

Et quand, malgré tout, tu réussis à avancer, c’est parfois le pouvoir lui-même qui te bloque : jalousies, chantages, racket, concurrence déloyale de l’État ou de ses proches.

Résultat : les plus courageux s’épuisent, les plus talentueux s’en vont, et le pays se vide de ses forces vives.

C’est ça, la vraie tragédie africaine : les systèmes tuent les rêves avant qu’ils ne grandissent.

La souffrance n’est pas une vertu

On a grandi dans l’idée que souffrir, c’était noble.
Que la galère forge le caractère.
Qu’il fallait “accepter”, “patienter”, “endurer”.

Mais non.
La précarité n’est pas une vertu.
La souffrance n’est pas une vertu.

Ce sont des circonstances, pas des médailles.
Elles ne devraient jamais être un modèle social.

Quand un pays glorifie la survie au lieu du progrès, c’est qu’il a oublié sa mission première :
offrir à sa population la possibilité de vivre mieux.

Un pays ou un continent qui se respecte devrait avoir mieux à offrir à sa jeunesse que ce choix absurde :
partir ou rester, souffrir ici ou souffrir ailleurs.

Et maintenant ?

Alors que faire ?
Personne n’a de solution magique.
Mais quelques pistes sont claires.

Pour les dirigeants :

Réformer l’éducation.

 

Investir dans l’entrepreneuriat local.

 

Sécuriser les territoires.

 

Simplifier la création d’entreprise.

 

Garantir la justice, la stabilité, la transparence.

 

Pour la diaspora :

Soutenir des projets concrets.

 

Investir dans le pays d’origine.

 

Partager les compétences, les expériences, les savoir-faire.

 

Et pour nous, citoyens :

Arrêter de glorifier la galère.

 

Exiger des comptes.

 

Valoriser la réussite locale.

 

Aimer notre continent sans se mentir.

 

OSONS LE FUTURE

L’immigration africaine n’est ni un échec collectif, ni une honte individuelle.
C’est le résultat d’un système injuste, et la preuve vivante d’une chose : les Africains ne manquent pas de courage, mais d’opportunités.

Le jour où nos pays comprendront cela, le départ ne sera plus une fuite, mais un choix.
Le jour où la jeunesse africaine pourra dire :

“Je pars parce que j’en ai envie, pas parce que je n’ai plus le choix”,
alors on aura vraiment commencé à guérir.

Mais pour l’instant, tant que la corruption étouffe les rêves,
tant que la compétence vaut moins que la connivence,
tant qu’on félicitera la débrouille au lieu de construire des institutions solides,
on continuera d’envoyer nos enfants risquer leur vie ailleurs.

Un pays ou un continent qui se respecte doit offrir à sa jeunesse mieux que ce choix absurde : partir ou rester, souffrir ici ou souffrir ailleurs.
La précarité n’est pas une vertu.
La souffrance non plus.
Ce sont des circonstances, pas des destins.

Vous pouvez regarder notre vidéo sur le sujet sur notre chaine youtube en cliquant ici

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